En lisant À la recherche du temps perdu de Marcel Proust, on croise un passage où le narrateur décrit le clocher de l’église de Saint-Hilaire dans le village de Combray. Ce clocher lui sert comme point de repère physique et émotionnel. N’importe où il va dans le village, le clocher le guide, même s’il est invisible car il sait où il se trouve.
Même dans les courses qu’on avait à faire derrière l’église, là où on ne la voyait pas, tout semblait ordonné par rapport au clocher surgi ici ou là entre les maisons, peut-être plus émouvant encore quand il apparaissait ainsi sans l’église
Ce passage m’a ému parce qu’il m’a rappelé ma jeunesse à Berkeley, ma ville natale, où la tour « Campanile » de l’Université (notre église laïque) était mon point de repère. (Il y avait un fameux pont, aussi.)
L’importance d’un point de repère se manifeste dans le fait que mon esprit en construit un, même quand il n’existe pas. Dans ma tête, la route de chez moi à Durham va vers l’est, tandis qu’en réalité, elle va au nord! mais j’ai toujours une idée de la direction, même s’elle est fausse.
Proust décrit le clocher à la fin de l’après-midi. Je sais que le soleil est presque couché et que le ciel est rouge et foncé. Je me souviens de la place principale de Krakow avec son clocher et ses corbeaux.
[Le clocher] lâchait, laissait tomber à intervalles réguliers des volées de corbeaux qui, pendant un moment, tournoyaient en criant, comme si les vieilles pierres qui les laissaient s’ébattre sans paraître les voir, devenues tout d’un coup inhabitables et dégageant un principe d’agitation infinie, les avait frappés et repoussés. Puis, après avoir rayé en tous sens le velours violet de l’air du soir, brusquement calmés ils revenaient s’absorber dans la tour….
En lisant ce passage, j’ai commencé non seulement à revoir les clochers de ma jeunesse mais aussi à entendre une chanson de Gilberto Gil, qui exprime cette idée/emotion parfaitement dans sa chanson Oriente. Rien qu’en écoutant les deux premières lignes, je vois le ciel de nuit, plein d’étoiles et de constellations.
Se oriente, rapaz
Pela constelação do Cruzeiro do Sul
oriente-toi, jeune, par la constellation de la Croix du Sud
Vous pouvez trouver les paroles en portuguais et français et écouter la chanson ici.
Pourquoi dit-il que le clocher est « plus émouvant » sans l’église?
Merci Georges pour le lien
le clocher de Combray a aussi réveillé en moi plein de souvenirs
J’ai vécu mon enfance et ma jeunesse - presque 20 ans- a une centaine de mètres d’une église et son clocher
Et ce qui me revient …. C’est le son des cloches ….
Les cloches qui sonnaient toutes les heures , toutes les demi heures … et bien sûr ,il y avait l’angélus , matin et soir , la messe du dimanche , les vêpres ….et aussi les mariages , les enterrements et le tocsin …
Je les entends encore
Mais ce n’est pas un souvenir désagréable de vacarme récurrent ….
Bien au contraire … c’est doux , rassurant et apaisant